De la boulangerie et de ses spécialités bruxelloises

Il faut être Français pour manger autant de pain, dit un jour un convive à Victor Hugo qui dînait dans une auberge bruxelloise. L’écrivain répondit : « il faut être belge pour manger autant de tout ». 

 « Autant de tout », Victor Hugo ne croyait pas si bien dire ! Certaines dénominations de produits de boulangerie dans le jargon propre au quartier des Marolles déconcertent les non-bruxellois. Dérivés du flamand et saupoudrés de fantaisie par quelques zwanzeurs, leurs noms à consonances bizarres recouvrent en effet une gamme de produits que l'on pouvait trouver sur la table de cette population. Pour commencer, savez-vous que nos aïeux ne se seraient pas avisés d’entamer un pain (non coupé à l’époque) sans y avoir, au préalable, tracé au couteau au dos une croix propitiatoire.

Mais tournons-nous vers les curieuses appellations de ces produits dont certains ont pratiquement disparu de la consommation courante.

Le podoemmeke : c'est un petit pain gris avec beaucoup de raisins de Corinthe et parfois des morceaux de noix. Dans les années 1960, les podoemmekes de chez Bompatje, une petite boulangerie de la rue Haute étaient renommés, tout comme ceux de son concurrent Pex. Le folkloriste Louis Quiévreux avance l’hypothèse que le nom de ce petit pain est rattaché au juron « podferdoeme », lui-même atténuation de "godferdomme", altération de "God verdoeme me (Dieu me damne)".

pistoletsLe pistolet : chez nous, les « petits pains » sont appelés « pistolets », mais quelle est l’origine de cette appellation ? Les uns penchent pour " panis pistus in oléo ou pain pétri dans l’huile ", les autres y voient " pistus in lacte ou pain au lait" d’où "pistaulainct" donnant "pistolet". Une troisième version avance qu'anciennement les boulangers fabriquaient des petits pains en forme de boule crevée qui se vendait au prix d’une pistole la pièce. Cette monnaie valait 10 livres, un peu cher le petit pain ! En notre XXIe siècle, le pistolet fourré de haché pur porc et de pickles reste un mets de choix.

Le labbaybrood : cela peut se traduire par "pain de jaseuse" ou "pain de babillarde". C’était une couque grossière qui se consommait dans les réunions où les femmes bavardaient tout en filant, cousant ou tricotant.bodding 02

Le bodding ou pudding au pain : les étymologistes penchent pour un rapprochement avec le mot anglais « pudding » dans le sens d’entremets sucré. C’est une manière d’accommoder du « vieux pain » dans un esprit d’économie ménagère. Fait à base de petits morceaux de pain rassis et de raisins de Corinthe, malaxés au lait avec des œufs, du café fort, de la cassonade, du rhum et de la cannelle, le bodding est nappé de sucre glacé après démoulage. Le pâtissier professionnel peut ajouter au pain rassis les gâteaux invendus.

bolusLe baulus (ou bolus) : désigne une brioche en forme de spirale aux raisins de Corinthe.

Le pain perdu : l'expression qualifie une préparation incorporant une tranche de pain rassis trempé dans du lait, des œufs et du sucre avant de le cuire dans un poêlon. Délicieux ! Précisons qu’en néerlandais, on parle de gewonne brood, c'est-à-dire de « pain gagné »

Une tendue : naguère quand on pétrissait le pain, les enfants demandaient un peu de pâte. Ils l'aplatissaient pour former un rond, ensuite ils le pain perduposaient sur la « buse » du poêle pour en faire une galette.

Le kuddel, knoddel ou kneudel : sous cette appellation se cachent des boulettes d’une pâte, semblable à celle du pain, que l’on jette dans l’eau bouillante. Lorsqu’elles ont gonflé suffisamment, on les laisse égoutter ; elles se mangent chaud avec du beurre fondu. On peut aussi les déguster mélangées avec des raisins secs et des raisins de Corinthe.

Les mastelles : ces petits biscuits plats de farine de froment, aromatisés à la cannelle, ronds et percés d‘un trou en leur centre, sont souvent vendus en collier. Notons que les mastelles se mangeaient de préférence trempées dans du lait, du chocolat, de la soupe ou de la bière. En 1914, un auteur écrivait : « les mastelles se débitaient dans les cafés par des femmes qui, le panier au bras, circulaient entre les tables, offrant indifféremment crevettes, crabes, œufs durs ou…. mastelles ».

smoutebollenLe kletskop : désigne un biscuit très mince semé de petits morceaux d’amandes. Cette spécialité est vendue sous le nom de « pain d’amandes »

Les karabitjes : ces biscuits minuscules qui adhéraient à des feuilles de papier parcheminé récompensaient à la foire les gagnants à la roue à fléchettes.

Le klippel : se débitait dans les baraques foraines où il était mis à l'encan au hasard des dés. Pour un sou, on lançait des dés en annonçant : pair ou impair. On recevait alors un ou deux klippels suivant le jeu.

La patience : en boulangerie cette petite friandise ronde, glacée, dure et épicée à l’anis était habituellement très sucrée.

Les croustillons ou smoutebollen : ces beignets levés à la bière blonde et à la levure de boulanger sont vendus dans des cornets en papier, comme les frites. Les croustillons sont souvent consommés sur les champs de foire, saupoudrés de sucre impalpable.

François Samin documentaliste

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