Les exactions allemandes caricaturées
Depuis le 4 août jusqu’au 21 octobre 1914, on compte pour la Belgique 101 incidents majeurs (dans lesquels 10 civils ou plus ont été tués) avec 4.421 civils massacrés et 383 incidents mineurs (dans lesquels de 1 à 9 civils ont été tués) avec 1.100 victimes : le total général pour cette période est de 5521 civils (hommes, femmes et enfants). Voir à ce sujet le remarquable ouvrage de HORNE, John & KRAMER, Alan, op.cit., Paris, 2011. Les violences les plus graves (plus de 100 victimes) se produisirent à Melen (108), Soumagne (118), Aarschot (159) Andennes/Seille (262), Tamines (383) Ethe (218) Louvain (248) et Arlon (133). Le triste record en victimes est détenu par Dinant (674). Mais que s'est-il passé à Dinant ? La bataille de Dinant a opposé les troupes françaises (3e bataillon du 33e RI, 73e RI, 8e RI et 148e RI) aux 100e RI, 101 RI, 103e RI, 108e RI, 178e RI, 182e RI, 12e RAC et 48e RAC de la 3e armée allemande de Von Hausen (RI = régiment d'infanterie, RAC = régiment d'artillerie de campagne) du 15 août au 23 août 1914. Une première tentative de l'envahisseur de s'emparer de la ville se situe le 15 août. Elle a eu comme résultat qu'il s'empare de la citadelle après d'âpres combats à la fin de la matinée. En fin d'après-midi, la citadelle est reprise par les Français et les Allemands battent en retraite. Les forces alliées décident alors de se retrancher sur la rive gauche de la Meuse face à la citadelle située sur la rive droite. Dans la nuit du 21 au 22 août une nouvelle incursion allemande se produit : à cette occasion l'ennemi boute le feu à des habitations de la rue Saint-Jacques. Les troupes françaises font retraite le 22 août. Le lendemain, les Allemands en représailles sans doute à l'accueil de la population faite aux Alliés et à la résistance militaire acharnée qu'ils ont rencontrée de la part des Français fusillent 674 hommes, femmes et enfants, mettent à sac la ville et détruisent plus de mille maisons. Ils déportent aussi 400 civils. Signalons aussi que, lors de la bataille de Dinant, le lieutenant Charles de Gaulle fut blessé à la jambe en défendant l'accès au pont de Dinant le 15 août 1914. Une statue lui a été élevée à cet endroit le 15 août 2015. Les massacres perpétrés par les troupes allemandes dans le pays pendant cette triste période ont été justifiés du côté allemand par le fameux mythe de l’existence de francs-tireurs, comme d'ailleurs par les légendes de curés assassins de fantassins prussiens, de femmes ou même d’enfants massacreurs de soldats. Elles s’étaient forgées dans l’esprit des troupes allemandes et eurent donc pour effet direct de nombreuses mises à mort de civils innocents, des destructions de villes ou de villages, alors que la seule cause réelle des pertes dans les rangs ennemis dans les divers lieux cités était à chercher, soit dans le tir de soldats belges réguliers, soit dans des mouvements de panique au cours desquels les troupes d’invasion se tirèrent mutuellement dessus. Mais il faut surtout considérer comme cause principale des exactions allemandes la rage provoquée par la résistance inattendue opposée à l’invasion par cette petite armée belge (« des soldats de chocolat » selon l’état-major allemand) qui mettait à mal l’exécution et le timing du plan Schlieffen. Se basant unilatéralement sur des témoignages de soldats allemands, un "historien de l'art local" Ulrich Keller s'est dans son ouvrage Schuldfragen.Belgischer Untergrundkrieg und deutsche Vergeltung im Auguste 1914 , éd. Ferdinand Schôningh,437 p. permis de remettre au goût du jour la thèse de l'existence de soldats belges déguisés en civils francs-tireurs, voulant sans doute soulager la conscience des Allemands. Nous lui disons tout simplement d'aller apprendre ce qu'est un vrai travail historique en lisant l'ouvrage de Horne et Kramer !!
Nous terminons cette chronique ce mois de novembre 2018, mois du centenaire de l'armistice, par ce dernier texte en rendant hommage aux victimes de cette guerre qu'elles soient militaires ou civiles.