Un drame en 1896 à la caserne des Grenadiers à Bruxelles

Le journal "L'Illustration Nationale" nous rapporte cet incident tragique. Il se passe dans la caserne Sainte-Elisabeth située dans le très populaire et populeux quartier des Bas-Fonds. Elle occupait un vaste quadrilatère de 1,13 hectare environ déterminé par les rues Saint Laurent, des Sables, de la Montagne de Sion et des Comédiens (Montagne Ste-Elisabeth). Si vous voulez vous imaginer sa situation aujourd'hui, il faudrait placer son entrée principale en plein milieu du boulevard  de Berlaimont à hauteur de l'imprimerie de la Banque nationale. Voici la relation des faits :

1-Drame caserne_grenadiers" Un drame épouvantable et sans précédent s'est déroulé, pendant la nuit du I9 au 20 juin [1896] dans la caserne Sainte-Elisabeth, à Bruxelles. Un grenadier nommé De Ruytter, pris brusquement, dans sa chambrée, d'un accès de rage, s'arma de son fusil et fit feu sur ses camarades. Il parcourut comme une bête fauve les locaux de l'étage, tirant par les fenêtres sur tous ceux qu'il apercevait. Par un véritable miracle, aucun soldat ne fut atteint. Deux agents de police, attirés par les coups de feu, et qui se trouvaient devant la porte de la caserne, furent seuls victimes de ce drame: l'un a été tué et l'autre blessé. Voici dans quelles circonstances : attirés par le bruit des détonations qui avaient mis tout le quartier en émoi, ils étaient accourus. Une balle tirée à l'intérieur de la caserne atteignit successivement le premier agent de police, B. ToIler, à l'épaule gauche, le second agent, Adolphe Boistay, au flanc gauche. Toller put se rendre à pied à l'hôpital St-Jean pour y  recevoir les soins que comportait son état. Quant à Boistay, il s'affaissa en poussant un grand cri. On le transporta dans un cabaret voisin. Il y reçut les soins d'un médecin qui déclara que la blessure était grave et ordonna le transport de Boistay à l'hôpital St-jean où le malheureux agent ne tarda pas à expirer. Boistay était un agent de police modèle, qui avait déjà été blessé plusieurs fois dans l'exercice de ses fonctions. On lui a fait, mardi dernier, des obsèques splendides, et la ville de Bruxelles, prendra soin, paraît-il, de ses enfants. Voici comment s'est opérée l'arrestation du forcené soldat, le meurtrier de Boistay. De Ruvtter tirait depuis près d'une heure, raconte un confrère, sans qu'on eût osé l'approcher ou qu'on fût parvenu à l'apercevoir par les fenêtres pour faire feu sur lui, lorsqu'un sous-officier, le sergent Rogge, prit bravement le parti de procéder à l'arrestation. M. Rogge monta à l'étage et se mit à la recherche de De Ruvtter qu'il rencontra bientôt dans une chambrée. En apercevant son chef, le soldat le mit en joue. Le sergent brava le forcené et lui demanda s'il oserait tirer également sur lui. Il parla avec tant d'autorité que le forcené eut un moment d'hésitation. M. Rogge en profita pour s'élancer sur le mutin; d'un coup de poing, il releva brusquement le fusil dont le coup partit au même moment et alla se loger dans le plafond. Un corps à corps féroce s'engagea alors entre le sergent et le soldat; tous deux roulèrent à terre. Mais Rogge réussit à maîtriser De Ruytter que ses camarades purent enfin ligoter. De Ruvtter fut mis en cellule et on réclama d'urgence à l'hôpital militaire une camisole de force. Dès ce moment, il était rendu inoffensif. M. Rogge a été promu premier sergent; il sera décoré de la médaille militaire".

Par la suite de Ruytter fut transféré à la prison de Saint-Gilles dans un état de prostration complet ; il refusa de croire qu'il avait tué. Pour Rogge c'est la popularité, le prince Albert le reçut en personne. Quant à la victime, l'agent Boistay, elle eut des funérailles officielles réunissant une foule énorme. Le meurtrier fut reconnu névropathe et épileptique, ce qui lui sauva la tête ; il fut condamné à 15 ans de travaux forcés. Le courageux sergent Rogge poursuivit une carrière militaire comme sous-lieutenant dans la Force publique congolaise, devint même lieutenant, mais se fit tuer dans notre future colonie en octobre 1898.

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