Nous poursuivons notre exploration des lieux en vous proposant de nous intéresser cette fois à un édicule qui ressemble à un petit temple grec. Situé du côté nord ouest du parc, près de la Grande Mosquée (voir doc 1) ce pavillon de forme rectangulaire fut, sur proposition d'Alphonse Balat, conçu par Victor Horta (1861-1947) en 1890 et bâti de 1891 à 1897. Destiné à recevoir le vaste relief "Les Passions humaines" de Jef Lambeaux (1852-1908) qui a pour thème la représentation allégorique des plaisirs et des malheurs de l'Humanité présidés par la Mort, Horta nous livre ici sa première commande publique. Le raffinement du détail et l'élégance du dessin annoncent déjà un autre langage et préfigurent l'esthétique du style Art Nouveau par la continuité des lignes, les parois incurvées et les angles adoucis. Ainsi ce petit tempietto semble naître du sol en harmonie avec son environnement. L'architecte a prévu dès le début du projet un éclairage zénithal naturel qui met en valeur le moindre détail de la sculpture et l'ouverture du bâtiment où le relief se voit derrière les colonnes du porche.
"Lors de l'Exposition universelle de 1897 qui se tient dans le parc, l'édifice est construit, mais la sculpture qu'il abrite n'est pas terminée ; certaines parties sont encore en plâtre.
Les travaux s'achèvent en 1898 et l'inauguration a finalement lieu le 01.10.1899. Mais les ennuis commencent très vite : en effet cédant aux intrigues et à l'insistance de Jef Lambeaux qui, bien que connaissant la maquette du projet, se montre mécontent de l'éclairage accordé par Horta à son relief et sans doute aussi devant les réactions d'une opinion catholique puritaine qui exècre l'œuvre sculptée depuis sa conception en 1886, les autorités font fermer le pavillon le 4 octobre 1899 par des panneaux de bois. Acceptant difficilement cette mesure et se désinvestissant dans ce travail, Horta ne fournira qu'en 1906 les plans de la modification. Elle se réalisera en 1909-1910 par les soins des Travaux publics : un mur avec porte remplace les colonnes de la façade principale, elles-mêmes avancées de manière à former un pronaos, portant ainsi la longueur du bâtiment de 14 à 17 mètres. Le pavillon sera rouvert en 1910, mais son fronton restera sans décoration. L'accès du public au bâtiment restera longtemps confidentiel, seul un coup d'œil voyeur à travers un espace de la porte sera possible. Pourtant le pavillon et le relief seront classés par A.R. le 18/11/1976. A temps, dirons-nous, car en 1978 le roi Baudouin, décidément très généreux avec des biens publics, offrira au roi Khaled d'Arabie saoudite le pavillon. Ce don sera officialisé par l'arrêté du 12/09/1979 par lequel l'Etat belge le cède au Centre islamique et culturel de Belgique situé dans la Grande Mosquée pour en faire un musée d'art islamique. Il faut donc le transformer et enlever le relief : les travaux du démontage de la sculpture commencent sans autorisation en 1980, mais sont vite stoppés par une plainte de la Commission royale des Monuments et des Sites. Diverses autres solutions sont alors envisagées (comme le démontage et déplacement du pavillon) heureusement sans succès. Après une amélioration en 2002 due au MRAH quant à l'accès au public et entretemps une lente dégradation du pavillon, sa restauration est prévue en 2006 ; les travaux débutent le 21 mai 2013 pour une durée prévue de 2 ans et demi et un coût de 800.000 euros financés par Beliris, accord de coopération entre la Région de Bruxelles-Capitale et le Fédéral. Croisons les doigts pour que tout fonctionne parfaitement malgré une complexité administrative bien belge : savez-vous qu'interviennent dans ce dossier les Musées royaux d'Art et d'Histoire (MRAH), la Régie des Bâtiments, le Service Mobilité et Transport (sic) et les Monuments et Sites, sans oublier le petit dernier : le Centre islamique et culturel de Belgique (CICB). Une partie des restaurations nécessaires s’est achevée en septembre 2014 et le pavillon a rouvert ses portes certains jours et pour une période déterminée. La poursuite des travaux s’effectuera en 2015.
Jean Heyblom
Voir aussi : www.irismonument.be/fr.Bruxelles_Extension_Est.Parc_du_Cinquantenaire.A015.html