Avant son départ pour le front russe, le romancier et jeune officier allemand de la Garde impériale, Hans LEIP (Fig. 1), a écrit Lied eines jungen Wachtpostens (« Chanson d'une jeune sentinelle ») à Berlin, dans la nuit du 3 au 4 avril 1915. En 1937, la chanteuse allemande Lale ANDERSEN (Fig. 2) découvre le poème de Hans Leip ; elle chantera deux versions de ce texte, une plus douce, qu’elle préférait, et une plus martiale, qui connut le succès. Après la guerre, Marlene DIETRICH (Fig. 3) enregistra en allemand la version la plus connue aujourd'hui, tout en transformant le nom de la chanson en « Lili Marlene ».
Versions originales
Voici le texte intégral de la version originale et sa traduction française telle que chantée par Suzy SOLIDOR (Fig. 4), en 1940 ou 1941 :
Lili Marleen (version de Lale Andersen)
Vor der Kaserne, vor dem großen Tor
stand eine Laterne, und steht sie noch davor,
so wollen wir uns da wieder sehen,
vor der Laterne wollen wir stehen
wie einst Lili Marleen (bis).
Unsrer beiden Schatten sahen wie einer aus,
Dass wir so lieb uns hatten, das sah man gleich daraus.
Alle Leute sollen es sehen,
wenn wir bei der Laterne stehen,
wie einst Lili Marleen (bis).
Schon rief der Posten, sie bliesen Zapfenstreich,
es kann drei Tage kosten, Kammrad, ich komm' sogleich.
Da sagten wir Auf Wiedersehen.
Wie gerne wollt‘ ich mit dir gehen,
mit dir Lili Marleen (bis).
Drei Schritte kennt sie, deinen zieren Gang,
aller Abend brennt sie, doch mir vergaß sie lang.
Und sollte mir eines Leids geschehen,
wer wird bei der Laterne stehen
mit dir, Lili Marleen (bis)?
Aus dem stillen Raume, aus der Erde Grund
hebt mich wie im Traume dein verliebter Mund,
wenn sich die späten Nebel drehen,
werd' ich bei der Laterne stehen
Wie einst Lili Marleen (bis).
– O –
Lili Marlène (Suzy Solidor)
Devant la caserne, quand le jour s'enfuit
La vieille lanterne soudain s'allume et luit.
C'est dans ce coin là que le soir
On s'attendait remplis d'espoir
Tous deux, Lily Marlène (bis).
Et dans la nuit sombre, nos corps enlacés
Ne faisaient qu'une ombre lorsque je t'embrassais.
Nous échangions ingénument
Joue contre joue bien des serments
Tous deux, Lily Marlène (bis).
Le temps passe vite lorsque l'on est deux !
Hélas on se quitte, voici le couvre-feu...
Te souviens-tu de nos regrets
Lorsqu'il fallait nous séparer ?
Dis-moi, Lily Marlène (bis)?
La vieille lanterne s'allume toujours
Devant la caserne, lorsque finit le jour
Mais tout me paraît étrange
Aurais-je donc beaucoup changé ?
Dis-moi, Lily Marlène (bis).
Cette tendre histoire de nos chers vingt ans
Chante en ma mémoire malgré les jours, les ans.
Il me semble entendre ton pas
Et je te serre entre mes bras
Lily...Lily Marlène (bis).
Pastiches
De nombreux pastiches de cette chanson virent le jour pendant (et après) la Deuxième Guerre mondiale, à Bruxelles et en Belgique bien sûr, mais aussi en Italie par exemple. Ces versions sont parodiques et parfois crues. Les cibles préférées en sont – évidemment – les tenants de la collaboration avec l’occupant. En voici deux exemples :
L’espoir d’une fin prochaine de la guerre
Le texte ci-dessous n’est pas daté, mais on peut concevoir qu’il a pu être rédigé à n’importe quel moment de la guerre, l’espoir d’une fin prochaine de Hitler ayant dû accompagner longtemps le quotidien des habitants des régions occupées :
Devant la caserne,
Un soldat allemand,
Qui montait la garde
Comme un fainéant,
Je lui demande « Pourquoi pleures-tu ? »
Il m’a répondu :
« Nous sommes foutus,
car Hitler va crever ».
Une version plus grivoise
Le ressentiment envers les Allemands et les nazis se traduisait souvent par des versions plus graveleuses ou scatologiques dans les pastiches des chansons « à la mode » :
Onder de lanteire
Lag nen dikke stront.
Wee eit da gescheite ?
Hitler, daan’ rotten ond!
En al dei van de VNV
Da zen de manne van papee,
Ze pakte de stront mei,
Da was eulen trophee ! (bis)
Sous un réverbère
Gisait un gros étron.
Qui donc l’a chié ?
Hitler, ce sale cochon !
Et tous les gars du VNV,
Les hommes de papier
Sont v’nus le ramasser,
Pour en faire un trophée ! (bis)
Ce thème fait l’objet de l’article de la revue 164 (juin 2024) et nous y renvoyons le lecteur pour une lecture plus complète !
Jean-Jacques DE GHEYNDT