Dans la partie nord-ouest du parc et situé non loin de l’allée centrale, nous trouvons ce monument en pierre blanche d’Euville. Commandée en 1911 et conçue à partir de 1912 par le sculpteur Thomas Vinçotte qui fut aidé sur le plan technique par l’architecte Ernest Acker et construite sur place, cette œuvre ne fut inaugurée qu’en 1921 à cause de la Guerre 14-18 et de la mauvaise santé du sculpteur.
Sa réalisation est envisagée dès 1909, au lendemain du décès du roi Léopold II et la gestion de celle-ci confiée à un comité national crée en 1911 sous le haut patronage du roi Albert Ier. L’Etat la finance partiellement, ainsi que la Ville de Bruxelles et une souscription publique. Le mémorial est placé sur une estrade haute de trois marches et présente un mur en arc de cercle qui enserre une vasque ovale. Cinq groupes sculptés avec inscriptions bilingues l’ornent : en bas, à hauteur de la vasque, une représentation allégorique en haut relief d’un homme couché avec à ses côtés un crocodile sur fond végétal figure « Le fleuve Congo ». Sur les côtés, chacun disposés sur un socle, deux hauts-reliefs : à gauche « L’héroïsme militaire belge/anéantit l’Arabe esclavagiste » qui illustre la campagne (1893) du baron Francis Dhanis (1862-1909) contre les marchands arabes d’esclaves et à droite « Le soldat belge se dévoue/pour son chef blessé à mort » rend hommage au sacrifice du sergent Henri De Bruyne (1868-1892) refusant d’abandonner le lieutenant Joseph Lippens (1855-1892).
Au centre du monument court une frise en bas-relief : cette scène qui se lit de droite à gauche montre des Africains emmenés par des soldats et des missionnaires vers un personnage barbu qui représenterait Léopold II. La frise est titrée « Les explorateurs », « Le missionnaire » et « Les Belges au Congo ». Un entablement la surmonte : il porte l’inscription « J’ai entrepris l’œuvre du Congo/dans l’intérêt de la civilisation et/pour le bien de la Belgique. Léopold II 3 juin 1906 ». Une autre inscription se lit au-dessus de la corniche : « Monument élevé aux premiers pionniers belges ». Un dernier groupe allégorique couronne le tout : « La race noire accueillie par la Belgique », il figure une femme assise, tenant un flambeau, qui ouvre son voile à une Africaine lui présentant son enfant.
Loué à l’époque de sa création, ce monument fait l’objet de polémiques : d’abord dans les années 1980, le mot « Arabe » et sa traduction dans l’inscription relative à la campagne contre les Arabes esclavagistes furent contestés à cause de la proximité de la Grande Mosquée et furent l’objet de vandalismes répétés ; ensuite, en 1988, sur réclamation de la Ligue arabe, le mot « Arabe » fut officiellement effacé au burin. En 1992 sa restauration est effectuée sur réclamation du Cercle des anciens Officiers des campagnes d’Afrique. Il a été ensuite encore régulièrement soit effacé soit rétabli de diverses manières, mais toujours de façon anarchique.
Il n’a pas été rétabli lors de la récente restauration du monument. Sur le plan historique, le passé colonial fait partie du passé de la Belgique ; c’est un fait comme tant d’autres dans l’Histoire, même s’il choque (à juste titre) les mentalités contemporaines. Certes, on peut juger sévèrement, ce passé, mais alors on n’est plus dans le domaine de l’Histoire, mais dans celui de l’opinion, donc du subjectif et de l’émotion. On s’embarque vite dans un processus qui est (peut être) trop à la mode de nos jours : la demande de pardon ou la repentance pour des faits historiques passés dont les générations actuelles ne sont en rien responsables. Si l’on doit reconnaître et regretter les faits horribles du passé, le pardon lui ne signifie pas grand-chose ; on doit surtout œuvrer à ce que des faits qui portent atteinte aux droits humains ne se reproduisent plus, donc éduquer par leur connaissance. Une notice explicative bien rédigée et sans langue de bois serait la bienvenue près du monument. En qui concerne le mot « Arabe » elle devrait préciser que c’est l’ « appellation couramment utilisée pour désigner les marchands qui se livraient à la traite des esclaves sur la côte orientale de l’Afrique au 19ème siècle. Il s’agissait le plus souvent de métis africains, en partie arabisés, convertis à l’Islam….L’île de Zanzibar était leur centre politique et commercial……. ; en quête d’esclaves et d’ivoire, il se heurtèrent de plus en plus violemment aux agents de Léopold II et de l’Etat indépendant du Congo » (Dictionnaire d’Histoire de Belgique (dir.Hasquin, H.), Hatier,2000, p 24). Un des plus célèbres représentants de ces Arabes esclavagistes fut Tippo-Tip (c.1837- 1905), suivi par ses fils.
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