À Anvers, dans le quartier de la mode et des antiquaires, se situe l’église Saint-André. Vous pouvez y voir depuis 2004 une plaque commémorative qui porte le texte suivant : « Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice car le royaume des cieux est à eux (Mathieu 5 : 10). C’est à cet endroit-ci que s’installèrent les Augustins de la Province de Saxe. En 1513 ces moines construisirent une chapelle, première fondation d’un monastère puis de cette église. Ici furent prononcés les premiers sermons luthériens à Anvers. Vivaient aussi ici les Augustins Hendrik Voes et Jan Van Essen qui furent exécutés à Bruxelles le 1er juillet 1523 à cause de leur sympathie luthérienne. La même année, la gouvernante Marguerite d’Autriche ordonna la fermeture du monastère. Durant ces temps difficiles confus et turbulents, eux aussi proclamaient la parole du Christ. Ein neues Lied wir heben an… (Une nouvelle chanson nous chanterons…) 1 ».
Par contre à Bruxelles sur notre Grand-Place, là où furent brûlés vifs ces deux premiers martyrs de la Réforme, ou en d’autres lieux rien ne rappelle cet événement majeur de notre histoire, mais aussi de celle de l’Europe, car il marque le début de la lutte contre la Réforme. Dans les livres sur Bruxelles, ni Marc Méganck dans son excellent ouvrage « Bruxelles en cheminant sur la ligne du temps, 180e éditions, Bruxelles, 2020 », ni le précieux « Dictionnaire d’histoire de Bruxelles sous la direction de Serge Jaumain, éditions Prosopon, Bruxelles 2013 », ni la sérieuse « Histoire de Bruxelles sous la direction de Mina Martens, Privat, Toulouse, 1976 » dans son Tableau chronologique ne mentionnent cet épisode qui inaugure, avec la mise en place d’une Inquisition d’Etat par Charles Quint, une longue et pénible persécution politico-religieuse contre les diverses formes du protestantisme.
Un vitrail (100 x 80 cm), œuvre du suisse Louis Rivier (1885-1963) 2, qui montre les deux religieux augustins périssant dans les flammes sur la Grand-Place fut pourtant offert à l’occasion de la commémoration de l’événement en 1923 par la Société d’Histoire du Protestantisme belge à la Ville de Bruxelles. Il devait être exposé à l’Hôtel de Ville, mais rapidement le vitrail disparut dans les réserves du Musée de la Ville (Maison du Roi). On n’en connaît pas les raisons. En 1973, suite à la démarche du pasteur Edouard Pichal, il fut l’objet d’une convention de dépôt à long terme pour le temple protestant de Tournai (situé rue Barre Saint-Brice n°14 dans une des deux magnifiques maisons romanes) où l’on peut toujours l’admirer comme nous l’a confirmé aimablement la pasteure Sylvie Richard-Gambarotto. Peut-on espérer qu’en 2023 cette amnésie historique soit réparée et qu’on rende hommage à ces deux premiers martyrs de la lutte pour une liberté de conscience 3.
- Premières paroles du chant choral composé en 1523 par Martin Luther en mémoire de ses deux confrères martyrisés. Son titre : Un chant sur les deux martyrs du Christ brûlés à Bruxelles par les sophistes de Louvain. S’est produit en l’an 1523. L’illustration de l’article est une gravure sur bois de 1523 représentant le martyre des deux moines extrait de Dye histori so zwen Augustiner Ordens martert seyn tzu Bruxel in Probant vonwegen des Evangeli (trad. Martin Reckenhofer) © Wikipedia (Domaine public)
- Vitrail représentant l’exécution au XVIe siècle à Bruxelles des deux premiers martyrs protestants Voes et Van Esschen par Louis Rivier (1885-1963) © Musées de la Ville de Bruxelles-Maison du Roi
- Pour approfondir le sujet traité voir WEIS M., Les troubles du XVIe siècle dans la mémoire bruxelloise, histoire et commémoration d’une guerre plurielle in Bruxelles Patrimoines n° 011-012 numéro spécial -septembre 2014 pp 9-23 (consultable en ligne.)
Jean Heyblom licencié en Histoire, AESS