par Jean Heyblom, historien
Les événements de Charlottesville (Virginie USA) ont relancé la question avec l'affrontement de partisans et opposants au déboulonnage de la statue du général sudiste Robert Lee, figure emblématique de la guerre de Sécession (1861-1868) et par conséquent partisan du maintien de l'esclavagisme.
Chez nous c'est la période précoloniale et coloniale qui fait ces derniers temps l'objet de demandes d'associations (comme le collectif Mémoire coloniale et lutte contre les discriminations).
Celles-ci exigent notamment qu'on rebaptise certaines voieries dont le nom met à l'honneur des acteurs de cette période comme les rues sergent De Bruyne, lieutenant Lippens, le boulevard général Jacques, les rues major Pétillon, aviateur Thieffry, l'avenue commandant Lothaire, les rues commandant Ponthier, Camille Coquihat, général Fivé, baron Dhanis, général Henry, général Tombeur, lieutenant Jérôme Becker, sans oublier qu'ils considèrent comme posant également problème les monuments consacrés au roi Léopold II, celui des Pionniers belges au Congo , d'Albert Thys au Cinquantenaire et sans doute mettent-ils dans le même sac celui consacré au sergent De Bruyne et au lieutenant Lippens à Blankenberge.
L'heure semble en effet avoir sonnée pour les règlements de compte avec le passé et les tentatives de mise en conformité de certaines mémoires ou de certaines sensibilités orientées avec des standards moraux actuels se multiplient.
Pour notre part, nous sommes preneur d'une vérité historique, même si elle est difficile à entendre, établie par des travaux mettant en oeuvre toutes les ressources d'une recherche la plus objective, mais redoutons des retouches intentionnellement orientées qui pourraient vite confiner à du revisionnisme. Nous l'avons déjà écrit : le rôle de l'historien n'est pas de juger ou d'adopter une option morale qui ferait le tri entre ce qui a été bien ou mal, mais bien d'établir des faits sans états d'âme.
Dans ce contexte, nous sommes partisan d'une plus rapide et plus large ouverture des archives aux chercheurs. Une équipe d'historiens belges et congolais pourrait utilement se pencher sur le sujet afin d'établir définitivement la vérité sur les exactions commises au Congo pendant la période précoloniale (déjà largement connues d'ailleurs ), mais aussi afin de faire un bilan positif et négatif sur toute la période coloniale.
Faire enlever des plaques de rues ou faire démonter des monuments qui rappellent des moments douloureux ou difficiles de notre histoire n'est pas une solution, mais les expliquer sans parti pris dans tous leurs aspects (et nous insistons pas seulement négatifs) est notre conviction profonde. Porter le fer dans l'histoire officielle avec un sens critique en conformité avec un réel libre examen, éloigné donc de tout présupposé, est la noble tâche de tout chercheur en Histoire.