Echevins et conseillers communaux dans les noms de rues de Bruxelles-Ville (2)

Antoine Barthélemy 1BARTHÉLEMY (Antoine) boulevard : avocat et homme politique de tendance libérale, Barthélemy Antoine naît à Namur, le 3 février 1764.
Après de brillantes études à l'Université de Louvain, il est reçu, en 1787, avocat au Conseil souverain de Brabant.
En 1794, il devient échevin de la Ville de Bruxelles. Rappelons qu’à cette époque, nos régions sont envahies pour la seconde fois par les armées révolutionnaires françaises, après la bataille de Fleurus du 26 juin 1794. Elles sont alors  traitées en pays conquis et subissent un régime très dur : mise en place du maximum, (observation stricte des prix fixés d’autorité pour les denrées alimentaires et les marchandises avec des conséquences néfastes comme la hausse du coût de la vie et la fraude), circulation forcée des assignats, réquisitions de toutes natures (savon, huile, chanvre, légumes, cuir, toiles), contributions de guerre et pillage des trésors artistiques de nos églises, de nos monastères, de nos corporations. C’est dans ce climat que les autorités de la Ville de Bruxelles refusent une deuxième contribution de guerre de cinq millions. On rapporte que Barthélemy, à la tête d'une députation, alla rendre compte des motifs de ce refus et qu’après une discussion violente de plus de deux heures, les représentants du peuple furieux s'écrièrent : « Savez-vous qu'il y va de votre tète ! »  La réponse de Barthélemy fusa : « Il en jaillira du sang et non de l'or ! » Cette réplique cinglante fit-elle mouche ? En tout cas, il en résulta que la contribution ne fut pas exigée.
Après ces événements de 1795, Barthélemy fut exclu par le gouvernement du Conseil municipal et n’y fut réintégré que le 10 novembre 1807, par décret impérial. À peine rentré en fonctions, il fut chargé de la liquidation des dettes de Bruxelles, tâche qu’il réalisa à la satisfaction de la Ville.
En 1822, Barthélemy fut nommé receveur des Hospices de Bruxelles, et une dispense lui fut octroyée par le roi Guillaume Ier, pour pouvoir rester, malgré cette fonction, membre de la Régence (= Collège échevinal). Cette dispense avait été sollicitée par le Conseil de Régence (= Conseil communal) lui-même. En 1815, Barthélemy participe à la fondation du premier journal belge libre, L'Observateur, auquel il donne de nombreux articles. En dehors de sa fonction communale, Barthélemy continue à exercer sa profession d'avocat, ainsi à la Cour impériale de Bruxelles entre 1806 et 1814.
En 1821, Barthélemy, qui, depuis plusieurs années, est membre des Etats provinciaux du Brabant, est élu (1822-1830) membre de la Seconde Chambre des États généraux (= Chambre des Représentants) dont il est à plusieurs reprises nommé rapporteur du budget.
Après la Révolution de 1830, Barthélemy est élu membre du Congrès national (1830-1831) pour la Ville de Bruxelles ; Il fera partie de la députation qui alla offrir la couronne de Belgique au duc de Nemours, le fils de Louis-Philippe Ier, roi des Français (juillet 1830-février1848). Par après, il fait, comme ministre de la Justice, partie du gouvernement Joseph Lebeau I, second ministère sous la Régence de Surlet de Chokier, et remplira cette fonction pendant quatre mois du 2 mars au 24 juillet 1831. Il est ensuite élu député de la Chambre des Représentants (1831-1832) et y occupera le poste de vice-président.
Il mourut, frappé d'apoplexie foudroyante, au château de Franc-Waret à Fernelmont (province de Namur), le 10 novembre 1832, à l'âge de soixante-huit ans.
Signalons qu’il a participé activement à la fondation de la Société générale pour favoriser l’Industrie nationale en 1822 sous le régime hollandais et qu’il est le promoteur de l'exécution du canal de Bruxelles à Charleroi en rédigeant le « Mémoire sur l’établissement d’une communication entre Bruxelles et Charleroi au moyen d’un canal de petite dimension » (1817). Il pose, en 1826, la première pierre du canal souterrain (= le tunnel de la Bête Refaite de 1267m. de long et de 4 m. de large entre Seneffe et Godarville), et quelques mois avant sa mort, en I832, il en fait l'ouverture solennelle.
C'est pour honorer sa mémoire que l'un des boulevards de Bruxelles longeant ce canal entre la porte de Flandre et la place de Ninove s’appelle depuis 1833 boulevard Barthélemy. Ce dernier a été initié le 22 juillet 1820 dans la loge « L’Espérance » à l’Orient de Bruxelles.

Références principales : Dictionnaire de l’Histoire de Bruxelles (dir. S. Jaumain), Editions Prosopon, Bruxelles, 2013, p.71 ; J. Delecourt, Biographie Nationale de Belgique, t.I ,1866, col.738-741 ; L.J. Peelaert, La représentation maçonnique dans les noms de rues de Bruxelles,1982, p.25.  Illustration : elle provient de Wikipédia

Jean Heyblom historien et AESS

Echevins et conseillers communaux dans les noms de rues de Bruxelles-Ville (1)

Nous avons choisi de vous informer sur un thème qui s’intéresse à des personnes qui, dans le cadre de l’histoire communale, se retrouvent au second plan et sont par conséquent moins connues que les bourgmestres, mais dont le nom se retrouve dans l’espace public.

Buste Ernest Allard Hôtel de VilleAllard (Ernest) rue : Joseph Gustave Ernest Allard est né à Bruxelles le 2 avril 1840 ; diplômé docteur en droit (ULB 1862), il entre au Barreau de Bruxelles comme stagiaire de son père pour devenir avocat ; engagé dans l’Association libérale de Bruxelles, Allard devient conseiller communal de Bruxelles de 1871 à 1878 et député pour l’arrondissement de Bruxelles du 25 avril 1876 jusqu’à son décès. Signalons qu’Allard est dès 1872 à l’origine des premiers cours d’éducation physique dans le réseau scolaire public communal. En 1877, après la mort de Jean-Michel Funck, il est désigné comme échevin ad intérim de l’Instruction publique et le restera jusqu’en 1878. Il s’investit aussi dans le Mont de Piété, dans La Ligue de l’Enseignement et dans l’Université libre de Bruxelles comme administrateur ainsi que dans le développement du réseau scolaire de la Ville (notamment l’Ecole Modèle). Auteur de l’ouvrage L’État et L’Église, leur passé, leur existence et leur avenir en Belgique (1872) dans lequel il énumère les privilèges conservés par le clergé au XIXe siècle, il y revendique comme citoyen laïque l’intégralité des droits de l’Etat vis-à-vis de l’Eglise et défend comme remède à cette situation une séparation nette entre l’Etat et l’Eglise. Ernest Allard a été initié à la loge maçonnique « Les Vrais Amis de l’Union et du Progrès Réunis » le 15 février 1868 et y exercera le Vénéralat de 1875 à 1878. Il décède à Bruxelles le 7 août 1878 à l’âge de 38 ans. Selon Jean d’Osta, il serait sans doute devenu bourgmestre à la place de Charles Buls, s’il n’était pas mort si jeune. Une rue qui part depuis la place du Grand Sablon vers la place Poelaert, aménagée entre 1884 et 1888, porte son nom depuis la fin du XIXe siècle.

Références principales : Dictionnaire de l’Histoire de Bruxelles (dir. S. Jaumain), Editions Prosopon, Bruxelles, 2013, p.30 ; Albert Vander Linden, Biographie Nationale de Belgique, t.XXIX (col. 55-56); L.J. Peelaert, La représentation maçonnique dans les noms de rues de Bruxelles,1982, p.12-13.

Illustration : buste (1876) d’Ernest Allard par Paul De Vigne (1841-1901) visible à l’Hôtel de Ville, Cabinet des États de Brabant © patrimoine.brussels-crédits

Jean Heyblom historien et AESS                                                   

Manneken-Pis : soins, amour et fantaisie

IMG 0001Cette carte postale humoristique prend mieux son sens avec son texte en anglais  « Beauty Parlor in open air » (trad. : Salon de Beauté en plein air). Elle traduit bien l’idée de zwanze qui anime notre petit bonhomme qui se moque de cette miss qui recherche l’apparence extérieure au nom de la  Beauté. Cette notion complexe bien des jeunes femmes qui ne répondent pas aux « normes » et les pousse vers des dérives comme des opérations esthétiques totalement inutiles ou pour certaines vers l’anorexie. Les concours de Miss sont la partie émergeante de cette futile course vers une Beauté normée. Ils ne renforcent en rien l’image de la femme en entretenant notamment l’idée de la femme objet auprès d’une catégorie d’hommes. Faut-il rappeler que seules comptent la Beauté de l’esprit , les qualités humaines et l’empathie avec autrui,  la belle apparence est un leurre trop souvent entretenu dans certains médias. Bravo au Manneken pour ce message !

Jean Heyblom historien et AESS

Dormir à la corde : réalité ou affabulation ?

Daumier« Ceci n’existe qu’aux Marolles : le « café-logement ». Le plus connu de ces cabarets-dortoirs est « le Bossu » ‘Bij den Boelt', mais il en subsiste quelques autres… On peut y dormir jour et nuit, tant dans le café même (5F la nuit, la tête sur la table, avec défense de s’allonger sur les bancs) ou dans le dortoir de derrière (10 ou 15 F). Jadis, on dormait « à la corde » assis sur un banc, penché en avant sur une corde horizontale passant sous les bras. À 7 h., le patron détendait la corde pour éveiller tout le monde à la fois. »
Cet extrait de l’ouvrage Les Marolles, Bruxelles inconnu, un album de Klaus Besser, photos Günter Schubert, Pierre de Méyère éditeur, Bruxelles-Paris, 1967, texte de Jean d’Osta commente la photo de la vitrine de ce café-logement situé 134 rue Haute.
Cette fameuse corde pour dormir, que l’on lâchait le matin, a-t-elle existé ? J’en ai discuté plusieurs fois avec mon petit-cousin Nicolas Luppens (dit Nicky) [nos grands-mères respectives étaient sœurs]. Il s’est intéressé au sujet car le patron de l’établissement qui était réellement bossu (d’où le nom du café) s’appelait Joseph Tiscal (1867-1919) époux de Pétronille Hoenaerts (1861-1929). Ils étaient les arrières grands-parents maternels de Nicky. Ce dernier a consacré deux articles sur «dormir à la corde » (voir Pavé dans les Marolles n°2 et surtout le n°3 consultables sur internet). Dans le n°3, il cite un passage de l’ouvrage de Pol Postal, Estaminets des Marolles , édité en 1986 par le Cercle d’Histoire et d’Archéologie « Les Marolles » : « Au sujet du « Bossu », on parle assez souvent de la célèbre corde pour dormir et que le baes (patron) lâchait chaque matin pour réveiller brutalement les dormeurs. Certains, comme le peintre Roel d’Haese s’en souviennent fort bien, mais les Marolliens, qui ont dormi dans ces maisons, affirment que cette corde n’est qu’une fable. On dormait sur les tables, mais pas la tête sur une corde tendue comme oreiller !... ». Nicky cite également un passage de « Kazak », un livre de Jean Drève (1891-1965) paru en 1936 : « … et en face on dormait alors sur la corde pour 5 centimes. --Sur la corde ? – Oui, sur la corde. Il y avait dans la cave une corde tendue sur laquelle on s’appuyait pour dormir debout. Au matin, le patron décrochait un des bouts de la corde et tous les dormeurs roulaient par terre en tas… Mais je vous parle de l’ancien temps : ça n’existe plus ».
Nous sommes ici dans un de ces cas bien compliqués où la mémoire des uns s’oppose à l’opinion des autres. Aucun témoin direct ou preuve iconographique ne vient faire pencher la balance dans un sens ou dans l’autre. Lorsqu’on fait une recherche sur internet, on peut voir des illustrations non sourcées avec des pauvres types affalés sur des tables, mais comme l’écrit Nicky, « pas de trace de corde ». Nous les écartons d’office en bonne critique historique.
Pourtant le phénomène « dormir à la corde » a bien existé à Paris : on peut trouver cette expression dans le journal « Le Charivari » du 21/08/1853 et le Dictionnaire d’argot fin de siècle (1894) du lexicographe Charles Virmaître à la page 93 nous rapporte qu’il existait rue des Trois-Bornes [Paris 11eme arrondissement] un bouge où dans une unique salle était tendue une grosse corde terminée par deux forts anneaux qui la fixaient à chaque extrémité. Les clients, la plupart des vagabonds, payaient trois sous ce qui leur donnaient le droit de s’accroupir les bras sur la corde et de dormir. A cinq heures du matin, le patron du bouge sonnait le réveil en tapant avec un morceau de fer sur une vieille casserole ; si les dormeurs ne se levaient pas, alors le patron décrochait la corde et ils tombaient sur les dalles. Sur le plan iconographique, Honoré Daumier (1808-1879), le célèbre caricaturiste, nous donne une gravure sur bois intitulée « Dormeurs à la corde deux sous la nuit » (1852) voir illustration. Si l’existence de cette manière de procéder est attestée à Paris, elle pourrait dans des circonstances semblables de pauvreté avoir existé à Bruxelles, mais aucune preuve certaine ne l’atteste. Un jour peut-être une source totalement fiable viendra apporter un éclairage définitif à la question.

Jean Heyblom licencié en Histoire, AESS

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